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Quelques cas pratiques
vendredi 26 février 2010, par
Cas pratique n° 1 : Mme VEILMATIN
Résumé des faits :
Changement de aujourd’hui
Logiciel
Harcèlement
Du responsable
Formation rapide
Problème de droit :
I. Mme VEILMATIN pourra-t-elle être licenciée au motif d’insuffisance professionnelle, cas de licenciement
pour motif personnel ?
II. Mme VEILMATIN peut-elle porter plainte contre son responsable pour harcèlement moral ?
Solution :
I. Mme VEILMATIN pourra-t-elle faire l’objet d’un licenciement pour motif personnel ?
A. En principe :
– Selon l’article L122-14-3 du code du travail, un employeur peut licencier un salarié pour motif
personnel.
– L ’insuffisance personnelle peut être considérée comme un motif de licenciement..
– Il appartient au Conseil des prud’hommes de contrôler cette cause.
– L’insuffisance professionnelle est laissée à la libre appréciation de l’employeur.
– Pour pouvoir invoquer ce motif, l’employeur devra avoir mis tous les moyens à disposition du salarié et
se baser sur des faits objectifs vérifiables et circonstanciés.
– L’employeur a également l’obligation d’assurer l’adaptation de ses salariés à l’évolution de leur emploi,
c’est-à-dire proposer une formation lui permettant de s’adapter à l’évolution de son emploi.
– L’insuffisance résulte, de la part de la personne incriminée, d’une profonde difficulté ou d’une
mauvaise exécution du travail qui lui est confié. Elle doit être permanente et non un état passager. Elle
peut être fondée soit sur des éléments quantitatifs (manque de rendement, baisse du CA…), soit sur des
éléments qualitatifs ( manque de compétence technique, d’autorité ou de motivation ).
– C’est à l’employeur et aux salariés d’apporter au Tribunal les éléments permettant de conclure sur le
caractère réel et sérieux ou non du motif de licenciement.
B. En l’espèce :
1) Attitude de l’employeur :
– Pour que l’insuffisance professionnelle soit caractérisée, il faut que l’employeur est assuré l’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi. Conséquence : le licenciement d’un salarié qui n’aurait pas disposé du temps ni des moyens nécessaires pour s’adapter aux nouvelles conditions de travail, ne serait pas justifié.
a) La notion de temps :
– Le nouveau logiciel a été mis en place il n’y a que 5 mois.
– En outre, Mme VEILMATIN n’a bénéficié d’une formation, il n’y a que deux mois. Donc durant trois mois, elle a du se débrouiller avec ses propres connaissances.
b) La notion de moyens nécessaires :
– Mme VEILMATIN a bénéficié d’une « formation très rapide »
– Si d’autres collègues ont bénéficié de la même formation et qu’elles ont les mêmes états de service
qu’elle, l’employeur pourra démontrer son insuffisance professionnelle. On entend par mêmes états de
service :
– Ancienneté
– Formation initiale
– Age
– Niveau acquis : débutant, maîtrisant, expert.
– L’employeur devra démontrer qu’il a mis tous les moyens en oeuvre :
•Evaluation des acquis avant et après la formation.
•Niveau de Mme VEILMATIN avant et après la mise en place du logiciel et de la formation.
•Mise en place d’un tutorat pour accompagner Mme VEILMATIN et lui permettre une bonne
adaptation.
•Entretien régulier pour l’aider à mettre le doigt sur ses difficultés et mettre en place des moyens et
des actions pour y remédier.
– L’employeur pourra également proposer à Mme VEILMATIN un bilan de compétence pour mettre au
point un plan de formation dont l’objectif sera son adaptation aux nouvelles technologies. Attention, en
cas de refus, son employeur pourra engager une procédure de licenciement pour faute et non plus pour
insuffisance personnelle.
2) Attitude de Mme VEILMATIN :
– L’insuffisance professionnelle résulte, de la part de la personne incriminée, d’une profonde difficulté ou
d’une mauvaise exécution du travail qui lui est confié. Elle doit être permanente.
a) Profonde difficulté ou mauvaise exécution :
– Pour être caractérisée, Mme VEILMATIN devra être en dessa du travail fourni par des collègues ayant
les mêmes états de service. Elle sera caractérisée si ses rendements son inférieur à ceux de ses
collègues.
– Si Mme VEILMATIN rencontre des difficultés quant à l’exécution de son travail du fait d’un
manquement de compétences techniques, l’insuffisance professionnelle paraît être caractérisée :
– Elle doit sans cesse demander à ses collègues des manipulations pour exécuter sa tâche.
– Du fait de mauvaises manipulations, son employeur doit faire intervenir l’assistance informatique.
– Son travail comporte de nombreuses erreurs de saisie ou de manipulations.
b) Difficultés permanentes :
– Mme VEILMATIN devra avoir fait preuve d’insuffisance professionnelle sur un laps de temps long et
non pas de temps en temps.
– Si elle progresse sur ce long terme, c’est-à-dire sis es erreurs s’estompent petit à petit, elle ne pourra
faire l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle.
II. Mme VEILMATIN pourra-t-elle porter plainte pour harcèlement contre son responsable ?
A. En principe :
– Selon l’article L. 122-49 du code du travail, il faut que le salarié subisse des agissements répétés pour
que le harcèlement moral soit caractérisé. Une agression ponctuelle ou des difficultés relationnelles
« classiques ».
– Il n’est pas nécessaire que l’auteur ait eu l’intention de dégrader les conditions de travail car sont visés
les agissements qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail.
– Il faut ensuite que la dégradation des conditions de travail soit susceptible :
•Soit de porter atteinte à ses droits et à sa dignité.
•Soit d’altérer sa santé physique ou mentale.
•Soit de compromettre son avenir professionnel.
– L’article L.122-49 du code du travail n’a pas précisé les droits du salarié auxquels les agissements
incriminés sont susceptibles de porter atteinte. Il doit être regardé comme ayant visé les droits de la
personne au travail, tels qu’ils sont énoncés à l’article L.120-2 du code du travail : « nul ne peut porter
aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas
justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
– Ex :
– Insultes ou injures.
– Surnoms ridicules.
– Volonté d’exclure le salarié du groupe.
– Surveillance démesurée par rapport aux autres salariés.
– Retrait de toute responsabilité.
– Tâches dégradantes ou sans rapport avec sa qualification.
– Menaces.
– Attention, le simple exercice du pouvoir disciplinaire, fût-il abusif, ne constitue pas en soi un acte de
harcèlement moral.
– Le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et l’employeur
doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement.
B. En l’espèce :
– Il va être difficile d’apporter la preuve d’actes de harcèlement moral. Mme VEILMATIN devra apporter
la preuve qu’elle est victime :
– De reproches constants.
– D’une surveillance démesurée par rapport aux autres salariés.
– L’employeur quant à lui devra bien mesurer ces actes et prises de paroles, et pratiquer l’égalité entre les
différentes comptables de son entreprise, s’il ne veut pas être accusé d’une surveillance démesurée ou
de discriminations par rapport aux autres salariés.
– En tant que conseille, je déconseillerai à Mme VEILMATIN d’intenter une action sauf faits
indiscutables car très difficiles à établir. En effet, en 2006, les Conseils des prud’hommes ont traité
250.000 litiges. Des condamnations ont été prononcées que dans un quart des affaires.
– En outre sauf faits particulièrement probants (injures, surnoms ridicules, humiliations ou menaces) dans
ce contexte : changement de logiciel et problème d’adaptation, il sera particulièrement difficile d’établir
que la frontière est franchie entre la simple exécution du pouvoir de direction de l’employeur et le
harcèlement moral.
– Une plainte ne ferait qu’envenimer les choses alors que la situation n’est déjà pas forcément en sa
faveur.
C. En conclusion :
1) En tant que conseil de Mme VEILMATIN :
– Si son employeur engage une procédure de licenciement pour motif personnel, Mme VEILMATIN
pourra invoquer le temps écoulé entre sa formation, même rapide, et aujourd’hui car un peu court pour
qu’il puisse parler « d’incapacité professionnelle ».
– Mais elle devra penser à faire des efforts rapidement car son ancienneté joue contre elle. En effet 20 ans
de métier ce n’est pas rien bien que l’utilisation récente de certaines technologies joue en sa faveur.
2) En tant que conseil de l’employeur :
– S’engager dans la voie du licenciement me paraît prématuré car d’une part, il n’a pas mis en place la
formation avant l’opérationnalité du nouveau logiciel et d’autre part, le temps écoulé entre la formation
et ce jour est encore un peu court.
– Je lui conseillerai dans un premier temps d’établir la preuve de l’insuffisance professionnelle, preuve
qui établira que Mme VEILMATIN ne parvient pas ou insuffisamment à s’acquitter des tâches qui lui
sont confiées, en procédant de la façon suivante :
– En reprenant le contrat de travail, la fiche de poste et les éventuels avenants qui auraient été conclus.
– En listant pour chacune des missions en quoi l’insuffisance professionnelle se manifeste.
– En établissant un comparatif avec des collègues de travail ayant une expérience similaire et
accomplissant le même travail.
– Dans un second temps, au vue de son obligation de bonne foi et de loyauté, vis-à-vis de son salarié, il
devra vérifier que Mme VEILMATIN possède la formation nécessaire pour s’acquitter des missions qui
lui sont confiées.
– Après ce point nécessaire, il devra rencontrer Mme VEILMATIN pour faire le point de sa situation en
lui :
– Présentant les raisons de son mécontentement et les problèmes relevés.
– En écoutant ses explications pour tenter de comprendre les raisons de son insuffisance.
– En étudiant avec elle comment remédier à cette situation :
– Etablir un plan de formation.
– Désigner parmi ses collègues un tuteur.
– Convenir de différents entretiens pour mesurer ses progrès.
– Ne pas omettre de lui fixer des objectifs réalisables et vérifiables ainsi qu’un délai significatif
pour redresser la situation.
– Dans un 4eme temps, après cet entretien, il devra envoyer un courrier recommandé avec accusé de
réception pour en faire la synthèse :
– Décrire l’insuffisance du salarié et les difficultés causées à l’entreprise.
– Faire mention de l’entretien, des éventuelles solutions envisagées et indiquer le délai donné au salarié
pour se ressaisir.
– Préciser la date à laquelle la situation sera réexaminée. Passé ce délai, l’employeur de Mme
VEILMATIN pourra procéder à son licenciement car il aura mis tous les moyens à disposition du
salarié.
Cas pratique n° 3 : M REILLER
Résumé des faits :
– Une procédure de licenciement pour faute est intentée contre M REILLER dont la cause réelle et sérieuse
invoquée est le vol.
– La preuve de ce vol est fournie à l’aide d’une vidéo, prise à l’insu du salarié.
Problème de droit :
I. Le comportement de M REILLER constitue-t-il une faute ou une cause réelle et sérieuse et donc justifier un
licenciement ?
II. L’utilisation d’une vidéo comme mode de preuve est-elle licite ?
Solution :
I. Le vol : une cause réelle et sérieuse de licenciement.
A. En principe :
– Les conditions de validité de la décision de licencier sont remplies si :
– Enonciation d’un motif de licenciement.
– Le caractère réel et sérieux du motif de licenciement.
– Le cas ne doit pas entrer dans une des limitations au droit de licenciement de l’employeur.
Ex : cas d’amnistie.
– La « cause est réelle si elle présente un caractère d’objectivité ». en conséquence, il faut :
– Il faut que cette cause soit existante c’est-à-dire prouvée.
– Il faut également qu’elle soit exacte c’est-à-dire que les faits invoqués ne dépendent pas d’une
appréciation subjective.
– La cause sérieuse est celle revêtant une certaine gravité qui rend impossible, sans dommages pour
l’entreprise, la continuation du contrat de travail.
– C’est au tribunal, en l’occurrence au Conseil des prud’hommes, de vérifier si les conditions de validité de
licencier sont remplies.
– Le motif du licenciement peut être le comportement fautif du salarié. Tous les comportements fautifs
n’ont pas la même sanction. Il faut alors distinguer entre :
– La faute légère.
– La faute grave.
– La faute lourde.
– Le degré de gravité de la faute sera fonction du contexte et il faudra étudier :
– La nature de la faute.
– Le fait qu’elle soit isolée ou répétée.
– La nature des fonctions et la place du salarié dans la hiérarchie.
– Son ancienneté dans l’entreprise.
– Son passé.
– La tolérance antérieure de l’employeur.
– Définition des différentes fautes :
– La faute légère : le code du travail ne définit pas cette faute. La faute légère sera celle, si on s’en tient à la
définition que donne la jurisprudence de la faute grave, qui en vertu de son importance ne rend pas
impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Depuis 1973, une faute légère ne peut plus justifier un
licenciement. Mais la réitération de fautes légères constitue une faute constituant une cause réelle et
sérieuse qui pourra entraîner le licenciement du fautif avec ses indemnités de rupture et son indemnité de
congés payés acquise mois après mois.
– La faute sérieuse est suffisamment importante sans être grave ou lourde pour justifier un licenciement. Le
maintien du salarié dans l’entreprise durant le préavis reste alors possible. Le salarié gardera donc ses
indemnités de préavis et de licenciement ainsi que ceux de congés payés.
– La faute grave : « résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une
violation des obligations découlant du contrat de travail ou de la relation de travail, d’une importance telle
qu’elle rend impossible son maintient dans l’entreprise pendant l’exécution du préavis ». Le salarié perdra
ainsi son indemnité de préavis et de licenciement et touchera seulement son indemnité de congés payés.
– La faute lourde doit avoir, de la part du salarié, une intention de nuire que l’employeur doit prouver. Le
salarié, après mise à pied conservatoire et accomplissement de la procédure, perdra toute indemnité.
B. En l’espèce :
– Dans la partie II, nous verrons que les faits reprochés à M REILLER, peuvent ne pas constituer une cause
réelle et sérieuse du fait du caractère illicite de la preuve apportée par son employeur.
– Les faits invoqués dépendent également du caractère licite de la preuve apportée.
– En outre, le vol d’une couette pourra-t-il constituer à lui seul une cause revêtant une certaine gravité qui
rend impossible, sans dommage pour l’entreprise, la continuation du contrat de travail.
Ex : décision de la Cour de cassation du 21 mars 2002 qui casse la décision du Conseil des prud’hommes
de Nancy qui reconnaissaient justifié le licenciement d’un employé de McDonalds qui avait donné deux
hamburgers à des clients. ( Notion de « produits d’infime valeur marchande ».)
– Comme nous l’avons vu plus haut, les faits reprochés à M REILLER, du fait qu’ils paraissent isolés, du
fait de la valeur marchande du produit volé ne constituent pas une faute grave mais une faute sérieuse qui
lui permettra de toucher toutes ses indemnités. Encore faut-il que l’employeur apporte la preuve du fait
fautif.
II. L’utilisation d’une vidéo comme de preuve est-elle licite ?
A. En principe :
– Selon l’article L.121-8 du code de travail : « aucune information concernant personnellement un salarié ou
un candidat ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été préalablement porté à la connaissance
du salarié ou du candidat.
– Lorsqu’un Comité d’Entreprise existe, il « est informé et consulté préalablement à la décision de mise en
oeuvre dans l’entreprise, sur les moyens et techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. »
(Article L.432-2-1 al 3).
– Ces deux conditions sont cumulatives et rendent l’enregistrement licite. Il peut donc être utilisé comme
preuve pour sanctionner un salarié. En effet l’information des salariés ne suffit pas s’il existe un Comité
d’Entreprise. Cette preuve sera illicite si le Comité d’Entreprise n’a pas été informé et consulté excepté si
la vidéo surveillance s’effectue dans des locaux où les salariés ne travaillent pas.
B. En l’espèce :
– M REILLER prétend ne pas avoir eu connaissance de l’existence du système de vidéo surveillance. Si tel
est le cas, la preuve apportée par son employeur est illicite. Il ne pourra faire l’objet d’aucune procédure
pour licenciement qu’elle soit fondée sur un comportement fautif ou sur une cause réelle et sérieuse car
une des conditions de validité du licenciement est « le caractère réel et sérieux du motif de licenciement ».
– C’est à l’employeur de M REILLER d’apporter cette preuve. L’affichage dans les locaux de l’entreprise
suffit à informer les salariés. S’il existe un Comité d’Entreprise dans la société GROS DODO, il doit avoir
été informé et consulté. La preuve de cette information sera faite sur présentation du procès verbal de la
séance où a eu lieu ces informations.
– Si l’employeur prouve ces faits, il pourra donc entamer une procédure de licenciement contre M
REILLER pour faute sérieuse et non grave car le fait d’avoir volé une couette sans autres faits de même
nature, n’est pas dommageable pour l’entreprise. M REILLER conservera alors toutes ses indemnités : de
préavis, de licenciement et de congés payés.
– Si un doute subsiste, c’est-à-dire que ni l’un ni l’autre arrive à prouver l’inobservation ou non de ce devoir
d’information envers le Comité d’Entreprise et le salarié, le doute beneficira au salarié et la preuve sera
considérée comme illicite.
Cas pratique n° 6 : M. Matt LAS
Résumé des faits :
– L’entreprise GROS DODO voit ses commandes augmenter.
– Pour y répondre, elle demande à M Matt LAS, salarié de l’usine de NUITS SAINT
GEORGES, de renforcer les effectifs de l’usine de TASSIN.
– Ce dernier refuse
Problème de droit :
I. M Matt LAS peut-il refuser ce changement de localisation de lieu de travail ?
II. Selon la réponse, quelles en sont les conséquences ?
Solution :
I. M Matt LAS peut-il refuser ce changement de localisation de son lieu de travail
A. En principe :
– En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut modifier ou
aménager les conditions de travail du salarié. L’accord du salarié est
nécessaire que lorsque la modification concerne le contrat.
– En effet la jurisprudence fait la distinction entre les modifications du
contrat de travail, qui ne nécessitent pas l’accord préalable du salarié
et donc s’impose à lui, et les modifications du contrat, qui nécessitent
l’accord de ce dernier.
– En cas de refus du salarié d’une modification du contrat, l’employeur
pourra alors soit renoncer à la modification ou soit engager une
procédure de licenciement. Il devra alors respecter la procédure et le
régime de la cause réelle et sérieuse du licenciement.
– En cas de refus du salarié d’une modification des conditions de
travail, le refus a lui seul ne constitue pas une rupture du contrat de
travail mais une faute professionnelle du salarié que l’employeur
pourra sanctionner allant jusqu’au licenciement.
– Une modification du contrat peut avoir été prévue par une clause du
contrat ( ex : clause de mobilité, clause par la quelle le salarié
s’engage à accepter un déplacement de votre lieu de travail).
L’utilisation de cette clause contractuelle n’est pas soumise à l’accord
du salarié. Pour que l’utilisation de cette clause soit valable, elle doit :
– Etre conforme à d’éventuelles dispositions de la convention
collective
– L’utilisation doit être indispensable aux intérêts légitimes de
l’entreprise, proportionnée au but recherché compte tenu de
l’emploi occupé et du travail demandé.
– Ne pas constituer un abus.
– La jurisprudence fait la distinction entre les modifications des
conditions de travail et les modifications du contrat. En ce qui
concerne le lieu de travail, elle considère qu’il y a modification des
conditions de travail dans les cas suivants :
– En cas de changement temporaire du lieu de travail.
– En cas de changement définitif du lieu de travail, si celui-ci
reste dans le même secteur géographique ou même « bassin
d’emploi » ou de « couronne urbaine ».
– Dans le cas d’un changement définitif du lieu de travail qui va audelà
du secteur géographique ( le juge devra alors écarter toute
appréciation liée à la situation personnelle du salarié et se fonder sur
des appréciations objective), il s’agira alors d’une modification du
contrat.
B. En l’espèce :
– L’entreprise, au vue des circonstances exceptionnelles et de la forte
augmentation de la demande, a bien des intérêts légitimes à opérer le
changement de lieu de travail d’une partie de ses salariés.
– Le cas de M Matt LAS soulève alors plusieurs hypothèses :
– Si le contrat de M Matt Las contient une clause de mobilité,
celui-ci ne pourra en aucun cas refuser son application,
application justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise.
Attention, M Matt LAS doit alors être affecté à la production
des couettes ou avoir en charge une activité en lien direct .
– Si le changement de lieu de travail est temporaire, l’accord de
ce dernier n’est pas requis et il devra accepter.
– Si le changement est définitif, il faut regarder de façon
objective, si ce changement de lieu de travail va au-delà du
« bassin d’emploi ». En l’espèce, Tassin-La-Demi-lune,
département Rhône-Alpes ( 69), est située à 161.57 Kms de
Nuits-Saint-Georges, département Bourgogne ( 21 ). Il faut
1h49 pour relier ces deux points et il en coûtera 11 euros 50 de
péage et 16 euros 50 d’essence. Pour ma part, je considère que
cela va au-delà du « bassin d’emploi ». L’accord de M Matt
LAS est alors nécessaire.
II. Selon la réponse, quelles en sont les conséquences ?
A. En principe :
– En cas de refus du salarié d’une modification du contrat, l’employeur
pourra alors soit renoncer à la modification ou soit engager une
procédure de licenciement. Il devra alors respecter la procédure et le
régime de la cause réelle et sérieuse du licenciement.
– En cas de refus du salarié d’une modification des conditions de
travail, le refus a lui seul ne constitue pas une rupture du contrat de
travail mais une faute professionnelle du salarié que l’employeur
pourra sanctionner allant jusqu’au licenciement.
B. En l’espèces :
– Les conséquences dépendront des hypothèses soulevées plus haut :
•Dans les cas d’application de la clause de mobilité et de
changement des conditions de travail, le refus de M Matt LAS
sera constitutif d’une faute que son employeur, M Paul OCHON
pourra sanctionner en utilisant les différentes sanctions dont il
dispose. Le panel pouvant aller de l’avertissement écrit ou blâme
au licenciement ou rupture du contrat.
•Dans le cas de modification du contrat, M Paul OCHON pourra
alors soit renoncer à la modification de lieu ou procéder au
licenciement de M Matt LAS, non plus pour fait fautif mais pour
cause réelle et sérieuse.
Cas pratique n° 7 : Mme DELUNE
Résumé des faits :
– Lors d’un trajet professionnel en voiture, entre Mme DELUNE, attachée commerciale et M
DRAP, responsable des commerciaux, celle-ci tient des propos sur la vie privée de M OCHON,
directeur de la société, ainsi que sur ses facultés à diriger la société.
– Lors d’un dîner informel, M DRAP relate les propos de cette dernière à M Paul OCHON qui 1
mois plus tard, la convoque pour un entretien préalable à un licenciement pour faute ayant consisté
en « la tenue de propos outranciers visant à déstabiliser l’entreprise en dénigrant son chef.
– Mme DELUNE fait l’objet d’un licenciement pour faute grave à réception d’une lettre
recommandée avec accusé de réception reçue le 12/03, soit 3 jours après son entretien.
Problème de droit :
I. Le trajet professionnel est-il considéré comme un temps de travail effectif ?
II. Le licenciement de Mme DELUNE est-il justifié ou légal ?
Solutions :
I. Le trajet est-il considéré comme trajet professionnel ou privé ?
A. En principe :
– « Le temps de déplacement professionnel est constitutif d’un temps de travail effectif. Il est
constitué :
– Par le temps de trajet effectué par le salarié dans le cadre de sa mission pour le compte de
l’entreprise lorsque ce temps coïncide avec l’horaire collectif du travail.
– Par le temps de déplacement du salarié commandé par l’exécution de sa mission pour se
rendre à partir de son domicile sur le lieu d’exécution du contrat de travail lorsque celui-ci
n’est pas le lieu habituel. »
B. En l’espèce :
– Le trajet de Mme Claire DELUNE et de M Sanson DRAP sera considéré comme un
trajet professionnel et non privé donc comme une période de travail effectif puisque ce
trajet a été effectué pour se rendre de son lieu de travail habituel à l’entreprise de
TASSIN LA DEMI-LUNE dans le but de participer à une réunion de travail.
C. Conclusion :
– Mme Claire DELUNE ne pourra invoquer l’irrecevabilité de son licenciement pour des faits privés
dont elle a droit au respect.
II. Le licenciement de Mme Claire DELUNE est-il pourvu d’une cause réelle et sérieuse, en l’espèce un
comportement fautif ?
A. En principe :
a) La liberté d’expression :
– Les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 déclare :
« nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne
trouble pas l’ordre établi par la loi ».
– L’article 14 de la constitution de 1946, repris par celle de 1958, édicte : « tout homme est libre de
parler, d’écrire, d’imprimer, de publier…dans la mesure où il n’abuse pas de ce droit ».
– Article 10 de la Convention Européenne, consacré aux droits d’expression, énonce à son tour :
« toutes conditions, restrictions ou sanctions » doivent être « prévus par la loi » et constituer « des
mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale
ou à la sûreté publique… à la protection de la réputation ou des droits d’autrui pour empêcher la
divulgation d’informations confidentielles ».
– Pacte international relatif aux droits civils et politiques, élaborés dans le cadre de l’ONU le 19
décembre 1966 et publié en France par décret du 29 janvier 1981 : « toute personne a droit à la
liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans
considération de frontières, sous une forme orale… ». L’utilisation de cette liberté peut être
soumise à certaines restrictions mais celles-ci doivent toutefois être mesurées à la nécessité de
sauvegarder les droits et la réputation d’autrui, la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la
morale publique.
– Article L122-45 du code du travail : cet article frappe de nullité les sanctions ou licenciements
prononcés en violation de divers droits et libertés. Il ne s’applique pas en cas de violation à la
liberté d’expression car cette liberté n’est pas énumérée dans cet article.
– Article L120-2 : « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et
collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni
proportionnée au but recherché ».
– Les textes étant insuffisants et pas forcément clairs, la jurisprudence fût amené à délimiter cette
notion et notamment l’abus de cette liberté.
b) La liberté d’expression trouve une limite dans son abus :
– Comme dans toute relation contractuelle, les parties au contrat ont une obligation de loyauté et une
obligation de réserve.
– En vertu de l’obligation de loyauté, le salarié est tenu à une obligation de discrétion qui même
en l’absence de clause contractuelle de confidentialité, lui interdit de divulguer les
informations auxquelles ses responsabilités lui donnent accès.
– L’obligation de réserve interdit normalement au salarié d’adopter une attitude ouvertement
critique à l’égard de l’employeur et de ses décisions.
– L’abus doit être caractérisé et dûment constaté. L’attitude du salarié doit avoir créé, compte tenu de
la nature de ses fonctions et de la finalité de l’entreprise, un trouble caractérisé au sein de celle-ci.
Quelques exemples d’abus : injure, diffamation, menace ou atteinte à l’autorité de l’employeur.
– Pour retenir l’abus, la jurisprudence considère que doivent être retenues les deux conditions
suivantes :
– Le comportement du salarié doit démontré une volonté délibérée de provocation ou de désordre
dans l’entreprise.
– La qualité et la nature historique des rapports entretenus par le salarié avec les autres salariés
de l’entreprise et sa hiérarchie.
– En cas d’absence de volonté de nuire à l’employeur, les faits reprochés ne pourront caractériser
un abus.
– La faute sérieuse est suffisamment importante sans être grave ou lourde pour justifier un
licenciement. Le maintien du salarié dans l’entreprise durant le préavis reste alors possible. Le
salarié gardera donc ses indemnités de préavis et de licenciement ainsi que ceux de congés payés.
– La jurisprudence qualifie de faute grave : des termes outrageants proférés contre un supérieur
hiérarchique sur les lieux de travail, l’agressivité d’une salariée à l’égard de son supérieur, les
accusations injurieuses d’un cadre à l’égard de plusieurs directeurs de l’entreprise en leur imputant
une machination après réception d’un avertissement, des propos tenus par un cadre au cours d’un
repas à caractère professionnel dans la mesure où la salariée dénigre des dirigeants d’entreprise et
porte ainsi atteinte à l’autorité de ceux qu’elle dénigrait et nuit à la bonne marche de l’entreprise ;
– La liberté d’expression est aussi limitée par l’abus caractérisé, notamment par la diffamation et le
mensonge proféré dans l’intention de nuire.
– L’intérêt de l’entreprise correspond à ‘assurer sa pérennité », « construire une structure productive
efficace », « accroître la valeur de l’entreprise ».
c) La procédure de licenciement pour comportement fautif :
– La procédure de licenciement pour motif personnel comporte deux étapes :
– Une phase de conciliation : l’entretien préalable à licenciement.
– La notification du licenciement en cas d’échec de la conciliation.
– La convocation à l’entretien préalable de licenciement, en cas de faute, doit intervenir au plus tard
dans les deux mois suivant la connaissance des faits fautifs par l’employeur et prendre la forme
d’une lettre avec recommandé et accusé de réception ou à défaut une remise en main propre contre
décharge. Elle doit comporter les mentions suivantes :
– L’objet, la date, l’heure et le lieu de l’entretien, et rappeler la possibilité pour le salarié de se
faire assister par une personne de son choix, soit appartenant à l’entreprise, soit, en l’absence
d’institutions représentatives dans l’entreprise, inscrite sur la liste dressée par le préfet et
disponible auprès de l’Inspection du travail dont relève l’entreprise, ou encore à la mairie du
domicile du salarié. Ce courrier doit mentionner l’adresse de ces services.
– L’inspection du travail compétente est celle où se situe l’établissement ou le siège social de
l’entreprise.
– Le délai entre la convocation et l’entretien, ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables.
L’entretien ne pourra avoir lieu qu’à partir du sixième jour.
– Le point de départ du délai commence le lendemain du jour de la première présentation de la
lettre recommandée ou de la remise de la convocation en main propre.
– Le non-respect des délais ne peut être pallié par l’envoi par télécopie de la lettre de
convocation (Cour de cassation, Chambre sociale n° 04-45.698 du 13 septembre 2006).
– L’entretien doit être dirigé par l’employeur mais il peut se faire remplacer par une personne de
l’entreprise qui a le pouvoir de recruter et de licencier dans l’entreprise. Comme le salarié, il a la
faculté de se faire assister à condition que cette personne ne fasse pas grief aux intérêts du salarié et
ne pourra intervenir que si on lui demande et dans le but de les informer. L’employeur devra lors de
cet entretien préalable, indiquer au salarié le ou les motifs qui lui sont reprochés et le laisser s’en
expliquer. A défaut, la procédure comportera une irregularité.
– Le licenciement doit être notifié par lettre recommandé avec accusé de réception. L’envoi doit avoir
lieu au moins deux jours ouvrables après l’entretien préalable et au maximum un mois après.
L’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de notification, et
peut, utilement, rappeler le déroulement de la procédure préalable. Ces motifs doivent être précis,
c’est à dire matériellement vérifiable. En cas de litige, seuls ces motifs peuvent être examinés par
le juge pour l’appréciation de la cause réelle et sérieuse de licenciement. Le défaut de motivation
rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
B. En l’espèce :
a) Les propose de Mme Claire DELUNE : abus ou expression de la liberté d’expression ?
– Les propos tenus par Mme Claire DELUNE concernant tant la vertu de M Paul OCHON que sa
compétence à la tête de l’entreprise vont au-delà de sa liberté d’expression car ils peuvent être
qualifiés de propos outrageants constituant une injure car ne reposant sur aucun fait avéré.
– Par contre, la qualification de faute grave ne peut être retenue car une des conditions de cette
qualification tient dans « une importance telle qu’elle rend impossible le maintien dans l’entreprise
du salarié fautif pendant l’exécution du préavis. » En effet les propos tenus par Mme Claire
DELUNE ont été proférés dans une voiture sans autre témoin que son supérieur hiérarchique, qui
doit avoir assez de recul pour ne pas être déstabilisé par de tel propos. Son maintien durant
l’exécution se son préavis, dans l’entreprise ne parait alors poser aucun problème.
– En outre même la qualification pour faute sérieuse me paraît un peu doutable du fait justement de
l’existence du seul témoignage du supérieur hiérarchique de Mme Claire DELUNE car tout se
passe durant des phases « informelles » de travail et c’est un peu sa parole contre la sienne. En
outre, Mme Claire DELUNE n’a fait l’objet d’aucune autre procédure. Ce fait isolé ne sera pas
assez important dans ses effets pour constituer ne serait-ce qu’une faute sérieuse.
b) Quant à la validité de la procédure de licenciement :
– La convocation de Mme Claire DELUNE à l’entretien préalable de licenciement n’a fait l’objet ni
d’une lettre recommandée avec accusé réception, ni d’une remise en main propre contre décharge.
Par conséquent la procédure de licenciement est entachée d’une irrégularité procédurale.
– Quant aux autres conditions notamment concernent le licenciement, la procédure paraît respectée.
C. Conclusion :
– Mme Claire DELUNE pourra prétendre à toutes ses indemnités, c’est-à-dire ses indemnités de
préavis et de licenciement ainsi que ses indemnités de congés payés car le fait fautif ne constitue
pas une faute donc est sans cause réelle et sérieuse.
– En ce qui concerne l’irrégularité de forme concernant la convocation à l’entretien préalable de
licenciement, Mme Claire DELUNE pourra demander des dommages et intérêts au Conseil des
prud’hommes.
– Si elle a au moins deux ans d’ancienneté et l’entreprise au moins 11 salariés, les dommages et
intérêts seront au minimum un mois de salaire.
– Si l’une ou l’autre des conditions manque, l’indemnité sera calculée par les juges en fonction
du préjudice subi par le salarié.
Au contraire, Mme Claire DELUNE ne pourra pas invoquer le fait que sa discussion ait un
caractère privé car elle a eu lieu entre elle et son supérieur hiérarchique et ce sur un temps de travail
effectif mais le fait qu’il ni ait d’autre témoin joue en sa faveur car elle peut nier avoir tenu de tel
propos.